jeudi 6 octobre 2011

L'Amour Fou

Un extrait du travail sur l'Amour Fou, (l'interpellation de la tour de contrôle, la plus proche, à destination d'un avion cargo, perdu à la recherche de l'amour fou au large de Belle Isle) que nous jouons, jusqu'au 15 octobre (relâche jeudi 13) au théâtre des Clochards Célestes, à 20h



Tout à l’heure je serai sur la pointe friable, 
au bout du bout de la côte.
Je regarderai l’Océan déraciner des arbres de sable, des arbres centenaires,
qui depuis des centaines se déracinent plusieurs fois par seconde,
avec toujours des yeux pour l’aventure.

Tout à l’heure j’aurai fini de traverser le marais,
j’en aurais fini avec cette route qui va sans aller,
qui se traîne et crache des ombres aux tournants.
Tout à l’heure je serai à cet endroit de la côte d’où les vagues, entre elles,
paraissent un attelage de boeufs,
et je regarderai les bêtes toutes d’écume, labourer les sables éteints.

Tout à l’heure il sera tard.
Les mouettes mangeront les dernières minutes agitées dans le soleil
et le cri de la terre que le jour quitte,
s’élèvera de toutes les issues,
comme une clameur de fête.

Tout à l’heure, arrivé à cette place haute,
en surplomb de l’océan,
je regarderai rentrer les bateaux fatigués, comme des chiens qui ont couru le vent.
Je regarderai le vent traverser l’air,
Et lorsque les rocs irascibles se mettront à chanter, lorsque les arbres se
prendront pour les phoques et se mettront à marcher droit de côté,
j’y serai,
debout, les yeux ouvert à l’étranger.
J’y serai
sur l’aile friable,
à la pointe de la pointe,
au dernier caillou de la côte, que l’ombre de l’oiseau peut, à elle seule,
recouvrir.
J’y serai.