samedi 13 août 2011

Winterreise

Nous sommes en train de préparer un prochain film, Souvenirs matériels, dans lequel trois des lieder (respectivement les n° 1, 6 et 15) du Winterreise (voyage d'hiver) de F. Schubert, ont une place importante. 
Voici les originaux et leur traduction, à laquelle j'ai travaillé au début de l'été (pour les sous-titres du film). 


Le Winterreise est un cycle de 24 lieder que F. Schubert a composé une année avant de mourir, à partir des poèmes de W. Müller. 



Gute Nacht
Fremd bin ich eingezogen,
Fremd zieh' ich wieder aus.
Der Mai war mir gewogen
Mit manchem Blumenstrauß.
Das Mädchen sprach von Liebe,
Die Mutter gar von Eh', -
Nun ist die Welt so trübe,
Der Weg gehüllt in Schnee.
Ich kann zu meiner Reisen
Nicht wählen mit der Zeit,
Muß selbst den Weg mir weisen
In dieser Dunkelheit.
Es zieht ein Mondenschatten
Als mein Gefährte mit,
Und auf den weißen Matten
Such' ich des Wildes Tritt.
Was soll ich länger weilen,
Daß man mich trieb hinaus ?
Laß irre Hunde heulen
Vor ihres Herren Haus;
Die Liebe liebt das Wandern -
Gott hat sie so gemacht -
Von einem zu dem andern.
Fein Liebchen, gute Nacht !
Will dich im Traum nicht stören,
Wär schad' um deine Ruh'.
Sollst meinen Tritt nicht hören -
Sacht, sacht die Türe zu !
Schreib im Vorübergehen
Ans Tor dir: Gute Nacht,
Damit du mögest sehen,
An dich hab' ich gedacht.
Bonne nuit
Etranger je suis entré,
Etranger il me faut repartir, 
Le moi de Mai m' avait accueilli
avec ses gerbes de fleurs.
La jeune fille avait parlé d'amour, 
la mère de mariage, -
Mais maintenant l'univers est devenu si sombre,  
le chemin s'est enveloppé de neige. 

Je ne peux choisir
l'heure de mon départ, 
je dois être mon propre guide
dans cette obscurité.
L'ombre de la lune
me suit comme une compagne, 
Et sur la blanche étendue, 
je cherche les traces de pas sauvages. 

Pourquoi demeurer plus longtemps, 
jusqu'à ce qu'on me chasse au dehors ? 
Laisse hurler les chiens fous
devant la maison de leur maître ; 
L'amour aime à errer, 
et va de l'un à l'autre - 
Dieu l'a fait ainsi.
Ma tendre bien aimée, bonne nuit ! 

Je ne veux pas déranger celle qui rêve, 
ce serait troubler ton repos.
Tu n'entendras point mes pas -
Doucement, doucement je referme la porte ! 
En passant j'écris sur le portail, pour toi : 
Bonne nuit, 
Pour que tu puisses voir
que j'ai pensé à toi. 

Wasserflut

Manche Trän' aus meinen Augen
Ist gefallen in den Schnee;
Seine kalten Flocken saugen
Durstig ein das heiße Weh.
Wenn die Gräser sprossen wollen
Weht daher ein lauer Wind,
Und das Eis zerspringt in Schollen
Und der weiche Schnee zerrinnt.
Schnee, du weißt von meinem Sehnen,
Sag', wohin doch geht dein Lauf ?
Folge nach nur meinen Tränen,
Nimmt dich bald das Bächlein auf.
Wirst mit ihm die Stadt durchziehen,
Muntre Straßen ein und aus;
Fühlst du meine Tränen glühen,
Da ist meiner Liebsten Haus.
Grandes eaux

De mes yeux, beaucoup de larmes
sont tombées sur la neige; 
ses flocons gelés
boivent avec soif ma douleur brûlante. 

Quand les premières pouces voudront sortir
le vent sera un souffle tiède, 
et la glace éclatera en morceaux
et la douce neige disparaîtra.

Neige, tu connais mon désir, 
dis moi où ta course te mène ?
suis seulement mes larmes, 
bientôt le ruisseau t'accueillera. 

Avec lui tu traverseras la ville, 
les rues vives au dehors comme au dedans ; 
quand nous seront devant la maison de celle que j'aime,
tu sentiras mes larmes te brûler. 

Die Krähe

Eine Krähe war mit mir
Aus der Stadt gezogen,
Ist bis heute für und für
Um mein Haupt geflogen.
Krähe, wunderliches Tier,
Willst mich nicht verlassen ?
Meinst wohl, bald als Beute hier
Meinen Leib zu fassen ?
Nun, es wird nicht weit mehr geh'n
An dem Wanderstabe.
Krähe, laß mich endlich seh'n
Treue bis zum Grabe !
La corneille
Une Corneille était avec moi
quand je suis sorti de la ville, 
et jusqu'à maintenant elle n'a cessé
de voler autour de ma tête.

Corneille, animal fantasque, 
ne veux tu pas me laisser ? 
crois tu trouver avec mon corps
une proie à saisir ? 

Maintenant, il n'y a plus long à marcher
avec mon bâton de marche.
Corneille, laisse moi  voir en toi
enfin quelqu'un qui me soit fidèle jusqu'à la tombe !